CONFUSION

« Le suicide Français » d’Eric Zemmour reflète à lui seul la somme faramineuse des contradictions assaillant aujourd’hui l’opinion publique de notre pays. Un français, tout du moins quelqu’un se pensant comme tel, fait le récit d’un suicide à son « corps consentant » d’un peuple auquel il revendique son appartenance mais avec lequel il affecte par ailleurs de conserver une certaine distance, celle là même qui permet à l’Histoire de pouvoir encore être racontée.
Au premier abord, ce suicide est un meurtre maquillé, celui des élites qui assassinent notre beau pays.  Mais voici très vite que notre suicidé le devient de son plein gré, suicidé consentant, comme un adulte consentant à la transgression à laquelle il participe. Aussi ce suicide est-il pensé comme collectif. Mais il reste néanmoins le consentement d’un peuple au crime dont il est l’objet. Ce qui est la définition la plus appropriée de ce qu’il est convenu d’appeler un sacrifice… Ce qui nécessite le double consentement du bourreau et de la victime, consentement à quelque chose de supérieur à la somme de leurs parties et qui les dépasse. Une façon particulièrement perverse de s’immoler à un dieu qui reste étranger au destin de son peuple. Tout comme le narrateur, soit dit en passant, de cet étrange suicide français…

Le suicide est au contraire ce qui tend, par la confusion qu’il impose, à la plus entière désacralisation d’un acte qu’il soit possible d’imaginer. N’est-ce pas même le propre du passage à l’acte, un acte qui ne serait pas du semblant ? Cette violence infligée à soi même confond la victime et le bourreau et ne laisse rien subsister au dessus de soi là ou le rituel sacrificiel maintient une distance infranchissable entre le sacrifié et le sacrificateur, distance redoublée entre le Dieu et ses sujets. Le bouc émissaire peut bien être une innocente victime ou le porteur de tous les pêchers d’une communauté, il est maintenu une distance absolue entre lui et la société dont il est indiscutablement issu. Là ou le sacrifice a lieu, les destins se séparent. Le sacré et le profane naissent ensemble.

« Le suicide consentant » d’Eric Zemmour pourrait bien prêter à la dérision et au sarcasme s’il n’était l’exact reflet du mépris absolu  de l’élite en général pour le peuple français. On a déjà tout dit sur les fautes de l’élite boboïsante et soixante-huitarde. Il reste encore beaucoup à écrire sur celle de la génération d’avant, catho plus que catholique, « vieille France » plutôt que France éternelle. Et pourtant déjà tellement étrangère au sort de ses concitoyens. Radicalement hostile au spectacle actuel qui l’afflige, elle accuse avec une haine redoublée ce malheureux peuple, auteur plus qu’acteur d’un suicide auquel elle lui répugne de participer. Elle confond dans une même rage ses enfants (l’élite d’aujourd’hui) et leurs victimes, le Peuple de France. Elle signe ainsi son hérédité et son appartenance. Elle ne veut pas passer la main alors qu’elle est déjà morte.

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Vichy et Pétain n’ont jamais procédé autrement confondant dans une même condamnation l’élite du Front Populaire et ces français « avachis » responsables à leurs yeux de la déroute de juin 40.  Au contraire, l’alliance occulte des élites (Celle des pseudos vainqueurs de 14/18 et celle de ses enfants qui pensent pouvoir user du drapeau comme d’un torche-cul) était jugée seule responsable de la défaite par les vainqueurs de la France Libre, confondant dans un même légitime rejet les tenants de la  IIIème République et les collaborateurs du pouvoir nazi.

L’élite s’imagine élue, c’est la raison de fond qui lui ferme les portes de la communion vraie. Il la faut confondre entièrement pour mieux la renverser.

Nicolas Stoquer